Étudier la composition floristique d’un échantillon de miel

Contexte de l’étude

La méthode de l’ADN environnemental ou ADNe est un outil puissant pour réaliser rapidement des inventaires très exhaustifs de la biodiversité en milieux aquatiques. Son application en matière d’inventaire de la faune et de la flore des milieux terrestres est néanmoins beaucoup plus complexe.

En effet, l’ADN présent dans une mare ou dans une rivière est réparti de façon relativement homogène grâce au brassage de l’eau. De plus, il est relativement facile de filtrer de grands volumes sur le terrain afin de concentrer l’ADN avant de retourner au laboratoire.  A l’inverse, la physique du milieu terrestre impose que l’ADN laissé par les mammifères, les oiseaux ou les plantes est relativement difficile à récupérer. Imaginez devoir transporter des dizaines de kilos de terre jusqu’au laboratoire !

Chez E-BIOM, nous travaillons depuis plusieurs années à l’établissement de protocoles permettant d’obtenir une liste la plus exhaustive possible des espèces présentent dans un environnement donné en combinant des prélèvements de différentes matrices.

Pot de miel avec cuillère à miel
Apiculteur et abeilles

En collaboration avec des apiculteurs, des associations naturalistes et des entreprises, nous avons mené une étude de faisabilité visant à déterminer l’intérêt et les limites de la méthode de l’ADN environnemental pour l’étude de la composition floristique d’échantillons de miel produits par les abeilles domestiques (Apis mellifera).

En butinant des dizaines, voire des centaines d’espèces de fleurs, les abeilles agissent comme des collecteurs d’ADN, qu’elles concentrent au sein de pelotes de pollen et de miel. La technique est particulièrement intéressante pour établir un inventaire des plantes mellifères à proximité des ruches et ainsi évaluer l’état écologique des milieux environnant, ou encore afin de déterminer les régions géographiques d’origine des miels.

Echantillonnage et analyses en laboratoire

Des prélèvements de miel ont été réalisés dans plusieurs ruches situées dans des environnements variés : milieux agricoles, milieux urbains, en bordure de parcelles forestières ou de plan d’eau… Pour certaines ruches, les prélèvements ont été répétés à plusieurs reprises afin d’étudier les variations saisonnières.

En parallèle, des inventaires botaniques ont été réalisés en identifiant, sur base de caractéristiques morphologiques, les plantes mellifères présentes dans le périmètre de butinage des abeilles des différentes ruches.

Au laboratoire, une étape préliminaire de traitement des échantillons a été nécessaire afin de séparer les grains de pollen contenus dans le miel de la matrice sucrée.  L’ADN contenu dans les grains de pollen a ensuite été extrait et amplifié par PCR en utilisant des amorces universelles ciblant les espèces de plantes. Cette méthode dite d’ADN environnemental métabarcoding est particulièrement adaptée pour l’étude de groupes taxonomiques complets.

Afin de garantir la qualité de nos analyses et la fiabilité de nos données, des contrôles positifs et négatifs ont été réalisés afin de valider chaque étape du processus expérimental.

Centrifugeuse de laboratoire
Miels de différentes origines

Résultats et conclusion

Les résultats de l’étude sont surprenants ! Jusqu’à 132 espèces de plantes mellifères différentes ont été détectées dans un seul et même échantillon de miel d’abeilles domestiques. Les analyses par la méthode de l’ADN environnemental permettent l’étude de la composition floristique d’échantillons de miel et sont donc complémentaires de la palynologie et de l’identification de grains de pollen par microscopie.

La récolte d’échantillons de miel à différents moments de l’année a également permis de mettre en avant une variation saisonnière dans le comportement de butinage et les espèces de plantes visitées par les abeilles domestiques. Ces résultats sont concordants avec les relevés botaniques traditionnels !

Enfin, la détection d’espèces indicatrices permet d’inférer les types d’habitats situés à proximité des ruches. Ces données nous permettent ainsi d’avoir un aperçu de la qualité de l’environnement mais aussi de déterminer les régions géographiques d’où proviennent les miels.

Afin d’aller encore plus loin, nous comparons maintenant les résultats obtenus à partir des échantillons de miel avec ceux générés par l’analyse des grains de pollen récupérés à l’entrée des ruches d’Apis mellifera ou directement collectés sur des abeilles domestiques et des abeilles sauvages.