Détection et suivi des espèces d’écrevisses exotiques envahissantes

Contexte de l’étude

Les espèces exotiques envahissantes, ou espèces invasives, désignent des espèces animales ou végétales qui ont été introduites par l’homme en dehors de leur aire d’origine. Dans certains cas, ces espèces peuvent constituer une menace pour la biodiversité locale (prédation, compétition, transmission de pathogènes) ou avoir des impacts négatifs sur les activités économiques et sur la santé humaine.

En Europe, les écrevisses indigènes sont menacées par l’introduction d’espèces exotiques d’écrevisses. La faune belge ne compte qu’une seule espèce d’écrevisse endémique, l’écrevisse à pattes rougesAstacus astacus.

Majoritairement d’origine américaine, les écrevisses exotiques ont été introduites pour l’alimentation et l’aquariophilie. Ces espèces ont un impact direct sur nos populations indigènes. En effet, les écrevisses américaines sont porteuses saines d’un champignon, Aphanomyces astaci, qui est 100% léthal pour nos écrevisses indigènes. Les populations de l’écrevisse à pattes à rouge ont dès lors fortement régressées pendant les dernières décennies et l’espèces est quasiment éteinte en Wallonie.

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Cinq espèces exotiques d’écrevisses sont jugées préoccupantes par l’Union européenne et considérées comme envahissantes. Ces espèces nécessitent des mesures de gestion afin de contrôler la taille de leur population et ainsi limiter leur impact. Trois de ces espèces sont présentes en Wallonie et deux autres pourraient s’établir (*) prochainement :

  • L’écrevisse américaine Orconectes limosus
  • L’écrevisse de Louisiane Procambarus clarkii
  • L’écrevisse signal Pacifastacus leniusculus
  • L’écrevisse à pinces bleues Orconectes virilis (*)
  • L’écrevisse marbrée Procambarus fallax f. virginalis (*)

Afin de limiter leurs impacts, il est nécessaire d’étudier la distribution des populations d’écrevisses exotiques et indigènes dans nos écosystèmes. Ces données sont utiles afin de mettre en place des systèmes d’alerte et des mesures de gestion adaptées en cas de nouvelles introductions ou d’expansion.

En collaboration avec le Service public de Wallonie, nous avons donc étudié la distribution des écrevisses exotiques envahissantes présentes dans nos rivières et plans d’eau en comparant le piégeage traditionnel et la détection par la méthode de l’ADN environnemental.

Echantillonnage et analyses de laboratoire

Des prélèvements ont été réalisés dans plusieurs plans d’eau (mares et petits lacs), ainsi que dans différents cours d’eau (rivières et canaux), par la méthode de l’ADN environnemental. Cette technique consiste à récupérer les traces génétiques libérées par les écrevisses dans leur environnement en filtrant l’eau à travers une capsule.

En parallèle, des nasses ont été placées par le Service public de Wallonie afin de capturer les écrevisses et ainsi confirmer la présence des différentes espèces en les identifiant sur base de caractéristiques morphologiques : présence d’un ergot, formes des pinces, coloration…

Au laboratoire, l’ADN contenu dans les capsules de filtration a été extrait et ensuite amplifié par PCR quantitative (qPCR) en utilisant des amorces spécifiques pour chacune des espèces d’écrevisses ciblée par l’étude. Cette méthode dite d’ADN environnemental barcoding est particulièrement sensible pour détecter les espèces rares ou élusives.

Afin de garantir la qualité de nos analyses et la fiabilité de nos données, des contrôles positifs et négatifs ont été réalisés afin de valider chaque étape du processus expérimental.

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Résultats et conclusion

Des écrevisses envahissantes (américaine, de Louisiane ou signal) ont été capturés dans chaque milieu aquatique échantillonné. Dans plus de 30% des cas, deux espèces cohabitaient. Par contre, l’écrevisse à pattes rouges n’a pas été observée pendant l’étude.

La filtration d’eau a permis de mettre en évidence la présence de chacune des espèces d’écrevisses capturées, confirmant ainsi les observations directes. Les données sont concluantes : la méthode de l’ADN environnemental permet la détection rapide des populations d’écrevisses invasives.

Notre objectif est de déployer la méthode afin de réaliser un suivi continu des différentes espèces et de bénéficier d’un système de surveillance et d’alerte précoce.