Biodiversité des sols : rôle et menaces

3 juin 2022

Véritable réservoir de biodiversité, le sol est l’un des plus grands écosystèmes sur Terre. À lui seul, il abrite, en effet, plus d’un quart des espèces vivantes. Parmi ses habitants, on retrouve bien sûr les vers de terre, mollusques, fourmis et champignons. Mais c’est loin d’être les seuls. Bien d’autres micro-organismes, parfois même invisibles à l’œil nu, évoluent dans nos sols. Et chacun d’eux est essentiel au bon fonctionnement de cet écosystème.

Biodiversité forestière avec un sol de mousse, de champignons et de branches de sapin.
Ensemble de champignons bruns sur le tronc d'un arbre plein de mousse.

Les différents organismes présents dans le sol

Il existe une très grande diversité d’espèces qui vivent dans le sol. De la plus grosse à la plus petite, elles se divisent en trois grandes catégories : la microfaune, la mésofaune et la macrofaune.

La microfaune et les micro-organismes du sol

De quoi s’agit-il ?

D’une grande diversité taxonomique et fonctionnelle, la microfaune présente dans le sol se compose de bactéries, de champignons, de cyanobactéries et d’algues procaryotes. Ayant besoin de lumière pour réaliser la photosynthèse, ces dernières vivent à la surface du sol.

On estime qu’un gramme de sol renferme environ un milliard de bactéries. Leur biomasse est estimée à 3 t/ha en milieu tempéré. Outre les symbioses qu’elles peuvent former avec les végétaux, elles peuvent également être pathogènes. Les bactéries ont une fonction de minéralisation de la matière organique et participent donc à la régulation des cycles biogéochimiques, notamment celui de l’azote atmosphérique qu’elles rendent assimilable pour les plantes.

Quelles espèces composent la mésofaune ?

  • Les bactéries sont les micro-organismes les plus nombreux et diversifiés. Elles se trouvent dans la rhizosphère, un lieu d’échange entre les végétaux et les micro-organismes. C’est par l’intermédiaire de cette rhizosphère que les végétaux vont puiser les ressources minérales et l’eau qu’ils utilisent pour leur croissance. C’est également là que les racines des plantes produisent l’exsudat, un liquide mis à disposition des micro-organismes.
  • Comme les bactéries, les champignons présentent une très grande diversité taxonomique. Parmi eux, nous pouvons citer les champignons saprophytes (qui se nourrissent de la matière organique morte), mycorhiziens (qui forment des associations mutualistes avec les racines des végétaux constituant les mycorhizes) ou endophytes (qui se développent à l’intérieur du végétal).
  • Les protozoaires sont des micro-organismes eucaryotes, c’est-à-dire qu’ils possèdent un noyau cellulaire contrairement au procaryotes. Ils se nourrissent de matière organique végétale décomposée ou de composés excrétés. Leur nombre dans le sol est variable et dépend de nombreux facteurs.
  • Les tardigrades et rotifères sont aussi des organismes microscopiques présents dans une grande variété d’habitats et au niveau du sol. Ils vivent la plupart du temps dans les mousses et lichens, ainsi que dans la litière du sol pour les rotifères.
  • Les nématodes vivent dans le film d’eau qui entoure les particules de sol et sont très abondants. Classés en différents groupes selon leur régime alimentaire, ils sont importants dans le cycle de minéralisation et de décomposition des matières organiques ainsi que pour la régulation des communautés bactériennes.

La mésofaune du sol

La mésofaune rassemble des espèces se situant en taille entre le micro- et le macro-organisme. De dimension plus importante que les bactéries et champignons, ces êtres vivants se déplacent dans le sol sans pour autant le creuser comme le font les macro-organismes. On retrouve dans ce groupe les collemboles et les acariens qui en sont les deux groupes principaux.

Collembole sur une feuille avec des gouttes de rosée
Mains tendues avec de la terre et des vers de terre.

La macrofaune du sol

La macrofaune comprend les animaux de plus grande taille qui vivent sous terre. Aussi appelés les ingénieurs du sol, c’est eux qui créent les galeries, canaux et tunnels qui permettent de l’aérer. Parmi les espèces représentatives de ce groupe, on peut citer les insectes et leurs larves, les mollusques, myriapodes et les petits mammifères comme la taupe, par exemple.

Tout cela sans oublier bien sûr les vers de terre qui représentent 70% de la biomasse terrestre. Il en existe différentes catégories :

  1. Les vers épigés qui vivent en surface dans les amas organiques
  2. Les endogés qui vivent dans le sol, mangent de la terre contenant de la matière organique et qui ne remontent que rarement à la surface
  3. Les anéciques qui creusent des galeries verticales et rejettent leur déjections formant les turricules à la surface du sol
  4. Les nématodes qui représentent une très grande part de la biodiversité terrestre (plus de 3000 espèces actuellement recensées)

Le rôle de la biodiversité des sols

L’écosystème des sols remplit de très nombreuses fonctions différentes. En voici quelques-unes particulièrement représentatives de l’importance de cette vie souterraine.

Recycler les déchets organiques

La mission principale de la biodiversité terrestre consiste à créer et entretenir les sols. Francis Hallé, célèbre botaniste, biologiste et dendrologue français, la compare à un grand système digestif. C’est en effet, grâce à tous les organismes qui composent nos sols que nous ne sommes pas envahis de déchets organiques.

Véritable service de nettoyage, ils transforment la matière morte en une substance appelée humus. D’une grande richesse nutritive, l’humus sert ensuite à assurer la survie d’autres organismes, comme les plantes sauvages ou nos récoltes agricoles.

Cette fonction de recyclage en fait donc un allié de taille pour garantir notre sécurité alimentaire, surtout maintenant que nous approchons les 8 milliards d’êtres humains sur Terre. Plus de 90% des besoins nutritionnels de la population humaine sont ainsi couverts par des produits végétaux ou animaux fournis directement ou indirectement par les sols (source : Les services écosystémiques des sols : du concept à sa valorisation, Christian Walter).

Plante verte qui pousse dans un sol sauvage.
Goutte d'eau suspendue à une feuille verte.

Stocker et purifier l’eau

Pour survivre, nos plantes et récoltes ont besoin d’eau. D’où l’importance pour les sols de parvenir à en stocker en quantité suffisante. Or, le rôle de la biodiversité est justement de favoriser l’absorption de l’eau. Grâce aux canaux et galeries créés par les vers de terre, les fourmis, etc., nos sols sont davantages aérés et donc perméables, contribuant ainsi à cette mission de stockage.

Plus encore qu’un simple rôle d’absorption, de nombreux micro-organismes présents dans le sol sont également capables d’éliminer les bactéries, virus et autres contaminants présents dans l’eau. Ils jouent ainsi un rôle de purification essentiel.

Lutter contre les changements climatiques

Le sol joue un rôle majeur dans le stockage du carbone. Il participe ainsi à la régulation des gaz à effet de serre qui sont à l’origine du réchauffement climatique que nous connaissons actuellement. Certains sols, en effet, possèdent une grande capacité de stockage du CO2. C’est le cas par exemple des tourbières, prairies et forêts. D’autres en revanche, sont les mauvais élèves en la matière et libèrent le carbone plutôt que de le stocker. C’est le cas des terres cultivées.

Fonte des glaces à cause du réchauffement climatique.
Echantillons de terre prélevés par E-biom.

Quelques services supplémentaires

  • Nettoyer les sols pollués : certains organismes sont, en effet, capables de transformer divers polluants en molécules non-toxiques.
  • Lutter contre l’apparition d’espèces nuisibles : plus un sol est riche en vie et nutriments, plus il est capable de combattre les espèces qui peuvent nuire à nos plantations et récoltes.
  • Aider à la création de médicaments : les bactéries et champignons présents dans nos sols sont une grande source d’inspiration pour nos scientifiques. Leur capacité à se diviser et à muter pour se défendre contre d’éventuels dangers est à l’origine de nombreuses découvertes médicamenteuses.

Les menaces qui planent sur la biodiversité du sol

Si la biodiversité du sol rend de nombreux services écosystémiques, elle est pourtant aujourd’hui menacée. Et les dangers sont nombreux : érosion, appauvrissement en matière organique, salinisation, tassement, imperméabilisation, conversion des sols pour l’agriculture ou la construction, pollution, changement climatique, … Tous sont liés au comportement humain et surtout à l’agriculture intensive dont l’apport important en intrants et le faible apport en matière organique, le travail profond du sol et le sol laissé nu induisent des problèmes de ruissellement, d’érosion et d’inondation.

Il y a donc un changement dans nos pratiques à engager. Un exemple ? Il est, en effet, de plus en plus reconnu qu’il n’est pas souhaitable de retourner en profondeur la terre comme cela se fait dans nos champs… mais aussi dans nos potagers. En faisant cela, nous détruisons l’organisation du sol, en ramenant en surface des espèces (microscopiques) non adaptées à cet environnement et, inversement, en « enterrant » les espèces de surface sous terre. Le fait de mettre de la matière végétale sous terre par exemple déséquilibre le milieu et augmente le risque d’accroître le nombre d’espèces « ravageuses » de nos cultures. Pour conserver les nombreuses fonctions du sol, nous nous devons d’apprendre à le respecter.

Paysage de champs cultivés avec des montagnes en arrière-plan.
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Mesurer la biodiversité du sol : une tâche complexe

La biodiversité des sols forme un réseau fonctionnel complexe qui interagit avec le milieu extérieur. Mesurer l’abondance des espèces et la qualité du sol est donc une tâche particulièrement difficile. Les méthodes de biologie moléculaire d’analyse de l’ADN environnemental sur des échantillons de sol peuvent aider à comprendre son fonctionnement et, par l’application de bioindicateurs, de permettre de surveiller la qualité et d’évaluer le risque de dégradation de celui-ci. Il existe également de très nombreuses études qui essaient d’identifier les indicateurs clés de ce milieu très riche ou de cartographier les différentes espèces qui le peuplent. Un travail de titan mais qui en vaut certainement la peine.