Le 17 janvier dernier, le Gouvernement wallon a annoncé un accord sur le plan stratégique pour la Politique Agricole Commune (PAC) 2023-2027. Notamment destiné à assurer notre sécurité alimentaire, cet instrument est néanmoins jugé insuffisant à certains égards. Soulignons la nécessité de nous engager en faveur de pratiques agricoles durables et vertueuses pour la biodiversité.
Les pratiques agricoles: agriculture extensive et système intensif
L’agriculture est apparue il y a plus de dix mille ans, avec la mise en terre volontaire des premières semences et la domestication des animaux par l’homme. Ce nouveau mode de vie a permis le passage d’une vie nomade à une vie sédentaire. Puis, petit à petit, cette agriculture dite de subsistance a évolué pour devenir une agriculture de production.
Le modèle de l’agriculture extensive
L’agriculture traditionnelle, dite extensive par opposition à l’intensification des pratiques actuelles, a permis de nourrir la population tout en façonnant nos paysages naturels et entretenant une diversité de milieux semi-naturels pendant de nombreux siècles. Ce modèle agricole exerce en effet une pression moindre sur les espèces animales et végétales et tient compte de l’environnement en limitant la mécanisation et en réduisant l’usage d’intrants.
Malheureusement, il possède également ses inconvénients. Outre une production plus faible, il requiert des surfaces de terre plus importantes.
L’agriculture intensive de la seconde moitié du XXe siècle
Afin d’augmenter la productivité agricole et ainsi satisfaire une demande en nourriture toujours plus importante suite à l’accroissement démographique, les écosystèmes ont été modifiés de manière excessive durant les 50 dernières années.
L’apport des progrès technologiques, la diminution des petites fermes à l’avantage de grandes exploitations, l’utilisation d’intrants chimiques (engrais, produits phytosanitaires tels que fongicides, herbicides et insecticides) a permis de répondre à cette demande croissante, tout en multipliant les pressions sur l’environnement, les impacts directs sur la biodiversité et potentiellement sur notre santé.
L’impact de l’agriculture sur la biodiversité
En 2020, la Wallonie était composée à 52% de terres agricoles et à 29% de terrains boisés. Entre 1985 et 2020, les terrains artificialisés (surfaces retirées de son état naturel pour répondre aux besoins humains, comme les zones humides, prairies naturelles…) ont progressé de 44%, au détriment des terres agricoles qui ont subi une fragmentation importante..
Malgré tout, les terres agricoles, indispensables à l’Homme, ont continué à s’étendre. Cette extension a entraîné une homogénéisation du paysage par regroupement des parcelles (ou remembrement) ce qui a conduit à la destruction de l’habitat de nombreuses espèces animales (arbres, haies, prés de fauche, mares, vergers…).
L’exemple des oiseaux
À titre d’exemple, 81 espèces wallonnes d’oiseaux ont perdu près de 40% de leurs effectifs ces 30 dernières années. Et les espèces associées aux milieux agricoles sont les plus durement touchées avec une perte de près de la moitié de leur population.
Les espèces nicheuses au sol, comme la Caille des blés (Coturnix coturnix) et la Perdrix grise (Perdix perdix), sont des espèces plus vulnérables aux divers travaux dans les cultures ainsi qu’à la prédation. Les effectifs de Perdrix grise ne cessent de chuter suite à l’altération de la qualité des habitats et à la réduction des ressources alimentaires tout au long de l’année et à l’accroissement de la taille des parcelles limitant le nombre de refuges et d’abris.
Le Bruant proyer (Emberiza calandra) est probablement l’espèce de nos campagnes qui connaît le taux de déclin le plus important, avec pour cause principale l’intensification des pratiques agricoles. Cette espèce, parmi bien d’autres, est affectée par la généralisation des monocultures et la suppression des éléments contribuant au maillage écologique, la diminution des ressources alimentaires et l’utilisation excessive de pesticides.
L’impact sur les sols et leur diversité d’êtres vivants
L’impact de l’agriculture intensive ne se limite pas aux oiseaux. Les sols, qui renferment pourtant une biodiversité considérable et rendent des services écosystémiques importants, sont également soumis à une forte dégradation. Prenons les fleurs messicoles, par exemple : utiles aux insectes pollinisateurs comme les abeilles sauvages, elles disparaissent de nos champs et paysages… Pour rétablir la situation, il faut veiller à développer des pratiques agricoles durables, maintenant une grande variété d’habitats naturels, et vertueuses pour la biodiversité.
Les effets de la perte de biodiversité sur notre sécurité alimentaire
La dégradation des services écosystémiques aura un impact non négligeable pour les générations futures. Nous dépendons en effet de ces services pour notre approvisionnement en nourriture et en eau, pour réguler les cycles naturels (climat, qualité de l’air, …), ainsi que pour notre bien-être.
La faune : un soutien pour nos cultures
Au niveau agricole, le maintien de zones accueillantes pour la biodiversité permet de protéger de nombreux pollinisateurs (abeilles, papillons) et des espèces auxiliaires (oiseaux, chauves-souris, amphibiens et de nombreux insectes comme les coccinelles et les syrphes) qui rendent de nombreux services aux agriculteurs (prédation de ravageur, fertilité des sols) et assurent ainsi la productivité agricole.
Le brassage génétique, indispensable à la biodiversité
Néanmoins, la production n’est plus la seule finalité de l’agriculture qui doit aussi intervenir dans le maintien des écosystèmes et contribuer à une bonne santé humaine. La variété et la conservation de la biodiversité reposent sur des interactions fragiles entre les différentes espèces. Si une espèce disparaît du réseau d’échange, c’est une richesse et un potentiel de diversité génétique qui est perdu à jamais.
La bonne gouvernance pour une meilleure gestion des ressources naturelles
Heureusement, les pratiques agricoles respectueuses de l’environnement telles que le retour aux pratiques de l’agriculture extensive ou l’agroécologie sont de plus en plus courantes. Elles doivent, toutefois, s’accompagner d’une bonne gouvernance incitant à une gestion adéquate des ressources naturelles pour préserver la biodiversité. Penchons-nous sur deux initiatives en ce sens.
Les normes MAEC et la préservation des milieux naturels
Les méthodes agro-environnementales et climatiques (MAEC) regroupent un ensemble de pratiques respectueuses de la nature que les agriculteurs sont invités à mettre en place de façon volontaire durant 5 ans. En contrepartie, ils reçoivent une aide financière. Par la mise en place de ces pratiques et la diversification des paysages, l’aménagement de bandes fleuries et de haies, de nouvelles zones humides, la capacité d’accueil des territoires agricoles est augmentée.
Essentiellement, il s’agit d’assurer notre adaptation aux changements climatiques et d’éviter les émissions de gaz à effet de serre. Notons qu’en Wallonie, l’agriculture à elle seule est responsable d’environ 13% de celles-ci.
Les MAEC font partie de la mise en œuvre régionale de la Politique agricole commune (PAC) de l’UE.
La Politique Agricole Commune et les préoccupations pour la biodiversité
Lancée en 1962, la PAC est un partenariat entre l’Europe et le secteur agricole visant à soutenir les agriculteurs. Elle visait, au départ, à maximiser la production. Aujourd’hui, la PAC tient de plus en plus compte de la protection de l’environnement et de la conservation de la biodiversité.
Au niveau wallon, le gouvernement a récemment annoncé un accord sur son plan stratégique dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC) 2023-2027. Ce plan a pour objectif une agriculture plus écologique, plus familiale et plus jeune.
À ce titre, la Région prévoit une aide aux agriculteurs sous forme de paiements annuels appelés « éco-régimes ». Cette contribution financière vise à favoriser les prairies permanentes, la couverture du sol, le maillage écologique, les cultures favorables à l’environnement et la réduction d’intrants. Positif sur papier, il soulève néanmoins des inquiétudes.
En conclusion
Il ne sera pas simple d’accompagner la filière agricole afin de nourrir une population de plus en plus importante, devant faire face à de nombreuses incertitudes (réchauffement climatique, manque de ressources financières, …) tout en préservant l’environnement et en régénérant la biodiversité. Il est nécessaire de soutenir des changements profonds, au travers d’une volonté politique, de mesures cohérentes ainsi que d’une mobilisation des consommateurs et des agriculteurs vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement.
E-BIOM soutient cette transition écologique de l’agriculture. Chef d’entreprise ou employé, bourgmestre ou responsable public, scientifique passionné ou citoyen, contactez-nous pour tout conseil en biodiversité et n’hésitez pas à visiter notre site internet pour connaître l’étendue de nos services
Agissons ensemble, maintenant.