Les chauves-souris sont les seuls mammifères capables de voler grâce à leur patagium formé par leurs doigts très long reliés entre-eux par une fine membrane, ce qui forment leurs ailes. La grande majorité d’entre elles se nourrissent d’insectes, de fruits ou de pollen. Les rares espèces « buveuses de sang » se trouvent en Amérique du Sud et centrale et elles ont une préférence pour le sang animal. On peut observer certaines espèces en ville. Elles apprécient particulièrement se réfugier dans de petites cavités des bâtis, dans les combles ou dans des caves. D’autres espèces préfèrent les milieux forestiers ou les cavités rocheuses. Il est possible d’en observer en train de chasser dans les prairies, le long de cours d’eau ou au-dessus de points d’eau.
Les ultrasons pour détecter son environnement
Les espèces présentes en Europe sont insectivores et capables de détecter les obstacles et les insectes dans le noir grâce à l’écholocation. Elles émettent des cris par la bouche ou par le nez dans une gamme de fréquence que l’oreille humaine ne peut percevoir. L’homme est capable d’entendre des sons avec une fréquence comprise entre 20 Hz et 20 kHz, tandis que les chauves-souris émettent entre 10 kHz et 180 kHz, ce sont des ultrasons. Lorsque les ondes sonores butent sur un obstacle ou une proie, la chauve-souris reçoit l’onde réfléchie, aussi appelé l’écho, ce qui lui permet d’avoir une vision de son environnement en trois dimensions. Pour pouvoir être efficace à la chasse et se déplacer rapidement, elles émettent ces cris en continu.
Différentes techniques de chasse
Certaines espèces chassent en volant, c’est notamment le cas de la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus) qui profite de l’attraction des insectes par les luminaires. D’autres préfèrent chasser sur l’eau, comme le Murin de Daubenton (Myotis daubentonii) qui utilise sa membrane située entre ses pattes arrières, aussi appelé uropatagium, en guise d’épuisette. Certaines espèces, comme les Oreillards (Plecotus auritus et Plecotus austriacus) vont chasser à l’affût à partir d’un perchoir ou encore attraper des insectes posés sur les branches ou sur les feuilles des arbres, c’est ce que l’on appelle le glanage.
Le « swarming » ou « l’essaimage »
Durant l’automne, les chauves-souris européennes constituent leurs réserves de graisses pour l’hiver et commencent leur migration vers leur gîte d’hibernation. C’est également la période d’accouplement. Des phénomènes appelés « swarmings » ou « essaimages » peuvent être observés. Il s’agit d’un regroupement de centaines d’individus dans une cavité naturelle ou artificielle à la tombée de la nuit. Ce regroupement permet aux femelles de choisir leur partenaire pour se reproduire, et d’augmenter considérablement le brassage génétique entre plusieurs populations.
Une hibernation au ralenti
L’hiver, elles subsistent grâce à leurs réserves de graisses et en diminuant considérablement leur consommation d’énergie en réduisant leur rythme cardiaque, leur respiration, et leur température corporelle pouvant être comprise entre 1 et 12°C. Cet état les rend particulièrement vulnérables aux perturbations, c’est pourquoi elles ont besoin d’un endroit calme, humide et frais pour cette période.
Au printemps, elles sortent de leur hibernation en partant à la chasse afin de reprendre de l’énergie pour rejoindre leur gîte d’été. Les femelles se retrouvent en colonies de reproduction, où elles mettent bas au début de l’été. Les mâles, quant à eux, passent l’été en solitaire ou en petits groupes de quelques individus. Les petits quittent le gîte d’été pour aller chasser vers fin juillet-début août pour prendre des forces et se préparer à l’automne ainsi qu’à l’hiver.
Un bioindicateur
Les chauves-souris ont un métabolisme rapide. Elles sont capables de consommer l’équivalent de la moitié de leur poids en insectes en une nuit. L’état de leurs populations dépend notamment de l’abondance de leurs proies, mais aussi de la qualité de leur environnement. Elles sont considérées comme des espèces « parapluies », ce qui font d’elles des espèces bioindicatrices de l’état de la biodiversité et de la qualité des milieux. De ce fait, il est intéressant de suivre leurs populations et leurs distributions. Pour cela, il est possible d’aller inventorier les gîtes hivernaux et de reproduction connus pour recenser les espèces et leur abondance. Les recensements de gîtes pouvant porter atteinte à la quiétude des espèces, il est important que cela soit réalisé par des professionnels.
Comment les détecter ?
Pour inventorier la diversité des espèces et quantifier l’activité des chauves-souris, il est également possible de les identifier grâce aux ultrasons qu’elles émettent. Ce type d’inventaire est intéressant pour évaluer la pression d’utilisation d’un milieu et d’identifier les types d’espèces qui les fréquentent. Ne pouvant entendre leurs cris, il est nécessaire d’utiliser un détecteur à ultrasons et qui les modifie pour les rendre audibles à l’oreille humaine. Les techniques les plus courantes pour rendre les ultrasons audibles sont la division de fréquence et l’hétérodynage. Ces méthodes s’utilisent en temps réel sur le terrain avec des capteurs dits actifs. La division de fréquence consiste à diviser une fréquence émise par exemple à 70 kHz par 10 et de la rendre audible à 7 kHz. L’hétérodynage consiste à écouter la différence entre le son capté et le son ajusté par le détecteur. Plus le son est grave, plus la fréquence est proche de la fréquence émise par la chauve-souris. L’utilisateur doit donc ajuster la fréquence de son détecteur pour définir manuellement la fréquence de l’ultrason.
L’expansion de temps est généralement utilisée avec des détecteurs passifs, ce qui permet d’enregistrer des bandes sons et de les analyser a posteriori. La méthode consiste à enregistrer le son à vitesse réelle et d’étirer le signal dans le temps en réduisant le nombre d’oscillations par seconde et de les rendre audibles. Cette technique permet de conserver l’ensemble des caractéristiques de signal. L’enregistrement des signaux permet également de les analyser avec des programmes informatiques qui rendent possible l’identification de l’espèce émettrice notamment avec leurs structures, leurs durées et leurs fréquences sur base de l’analyse d’oscillogrammes et de spectrogrammes.
Des espèces menacées
Les chauves-souris dépendent fortement de leur environnement, ce qui les rend particulièrement vulnérables. En Wallonie, 40% des espèces de chauves-souris sont menacées d’extinction et 30 % sont quasi-menacées. Seules quatre espèces sont en préoccupation mineure d’extinction, selon la Liste rouge des Chauves-souris de Wallonie de 2020. Ce phénomène est lié au déclin massif de la biodiversité et des insectes, qui représentent leur source alimentaire. La raréfaction des habitats est également une cause de déclin, notamment avec la perte de cavité, le comblement des entrées dans le bâti et la diminution des massifs forestiers et d’arbres creux. La fragmentation des milieux forestiers est un facteur qui limite fortement le déplacement de certaines espèces comme le Petit et le Grand rhinolophe (Rhinolophus hipposideros et Rhinolophus ferrumequinum) qui n’apprécient pas être à découvert, les rendant vulnérables à la prédation. Ajouté à celà, la pollution lumineuse est un élément qui limite le déplacement des espèces les plus lucifuges, c’est-à-dire qui craignent l’exposition à la lumière et par conséquent à la prédation. En Wallonie une espèce sur deux est considérée comme lucifuge. Les autres profitent de la lumière qui a tendance à attirer les insectes, notamment autour des lampadaires, mais cela n’est pas bénéfique pour autant. Les insectes restent agglutinés autour des luminaires au lieu de se nourrir et de se reproduire, ce qui accentue fortement leur déclin et porte atteinte à la biodiversité insectivore. Pour les préserver un grand nombre d’entre elles sont protégées en Europe. Par exemple,en Belgique, en France et en Suisse, toutes les espèces endogènes sont protégées.
Comment les aider ?
Attention à la pollution lumineuse
Nous pouvons tous agir pour la sauvegarde des chauves-souris à différentes échelles. Il est important de réduire la pollution lumineuse en supprimant les éclairages extérieurs superflus, notamment décoratifs. Les luminaires urbains ou sur les axes routiers doivent être considérés comme indispensables et orientés vers le bas sans éclairer des refuges naturels (haies, mares, arbres, etc.) et les façades vitrées ayant un effet de réflexion de la lumière. Le diagnostic d’une trame noire, prenant en compte les milieux favorables à la biodiversité et la pollution lumineuse, permet de définir les zones de déplacement de la biodiversité lucifuge et de conseiller l’aménagement des installations lumineuses en fonction des besoins pour l’environnement et pour l’éclairage public. Les longueurs d’ondes des ampoules ou LEDs doivent être de couleurs chaudes (jaune-orange) ou alors utiliser un filtre coloré pour transformer la lumière blanche en couleur chaude.
Accueillez-les
Ne pas combler les cavités des maisons et des bâtiments. Il est aussi possible d’ajouter des nichoirs à chauves-souris pour leur offrir un abri supplémentaire. La conservation de bois vieillissant et creux apporte également un abri potentiel pour certaines espèces. Vous pouvez aussi valoriser l’ensemble de la biodiversité et par conséquent les chauves-souris avec une gestion extensive des jardins et des espaces verts. Par exemple, limiter, voire arrêter l’usage de produits phytosanitaires, apporter des ressources florales locales, opter pour une tonte haute ou le fauchage tardif, ou encore la création d’une mare “naturelle”.
Observez-les
Si vous observez des chauves-souris, vous pouvez l’indiquer grâce à des sites web ou des applications mobiles pour les observations naturalistes (www.observations.be pour la Belgique, NaturaList by Biolovision pour la France et la Suisse, iNaturalist à l’international, etc.). En cas de nuisance, comme par exemple une colonie installée dans votre grenier, s’agissant d’espèces protégées, il est nécessaire d’en informer les structures de protection des chauves-souris qui sauront vous accompagner pour trouver des solutions (Plécotus et Zoogdier vereniging pour la Belgique, CPEPESC ou SFEPM pour la France, Koordinationstelle Ost für Fledermausschutz KOF en Suisse, etc.).